CHAPITRE V
Frédéric rêvait à une petite bouche appelant le baiser, à des yeux d’un bleu indéfinissable, à des seins menus et nacrés, lorsqu’un appel de sirène le tira de ce songe délectable.
Il soupira et, ramené, non sur terre, mais plus exactement où il était, « sous » terre, il contempla l’incroyable paysage qu’on découvrait depuis la maison de Moès et d’Ivana, le charmant couple qui l’avait accueilli dans la Cité des Réels.
Il était là depuis… Pouvait-on parler de jours, dans ce monde qui lui paraissait effarant et qui, pour les Réels, était le seul normal ?
Comment aurait-il pu jamais imaginer que les entrailles du globe puissent receler une caverne de semblables dimensions ? Gouffre géant, dont il ne pouvait d’ailleurs absolument situer la position géographique, cela s’enfonçait sans doute à plusieurs milliers de mètres sous le niveau de la mer. Quant à l’étendue d’une telle grotte, il se sentait incapable de l’évaluer.
Il regardait.
Une ville s’élevait là. Et, sous la voûte formidable, il voyait tourner les soleils bleus dont lui avait parlé Ondresya.
Le génie des techniciens de l’univers enseveli avait fini par créer un véritable système atomico-solaire. Un globe énorme, soleil-noyau, d’autres, plus petits, électrons-satellites.
Cela tenait par gravito-magnétisme et tournait lentement, selon des orbites rigoureusement étudiées, très au-dessus du fond de la caverne où s’élevaient les constructions constituant la ville.
Et ces globes, d’un joli bleu métallique, luisaient magnifiquement, créant cette clarté qui s’étendait, non seulement sur la ville et le petit lac qui en occupait le centre, mais encore, par un système de réflecteurs, très loin, dans les innombrables galeries qui sillonnaient les couches géologiques, et qui constituaient le domaine de ceux qui s’étaient appelés les Réels.
L’origine de ce peuple se perdait dans la nuit temporelle. C’était du domaine de la légende, à présent. Des hommes, cherchant peut-être quelque trésor hypothétique, ou fuyant un ennemi terrible, ou se réfugiant vers un sous-sol plus clément lors d’une glaciation, avaient échoué là, fait souche en s’organisant.
D’année en année, puis de siècle en siècle, d’autres étaient venus, généralement faisant comme Frédéric et s’égarant dans les galeries.
Les plus sages avaient compris dès l’abord que la tribu, qui devait devenir une petite humanité, n’aurait pu subsister en demeurant totalement primitive, avec les seules ressources animo-végétales, pourtant importantes, du centre terrestre.
Ainsi, on avait réussi à épouser secrètement l’évolution de ceux qui, ignorant les Réels, continuaient en surface l’évolution, le plus souvent décevante, de ceux qui cependant profitaient de la joie solaire.
Un tel souci avait jeté sa marque sur l’architecture de la Cité. Frédéric pouvait ainsi voir un amalgame de styles, depuis le trapèze égypto-aztèque aux toits cornus sino-japonais, en passant par la colonnade gréco-romaine ou la coupole orientale.
Cela se heurtait curieusement, dans la lumière bleue, avec une foule d’autres réalisations, plus ou moins hybrides, témoignages des époques où elles avaient été construites, et surtout de l’origine de leurs auteurs, venus de toutes les peuplades, de toutes les époques.
Les naufrages, en grande partie, avaient fourni de nouvelles souches aux Réels. Certaines îles, ainsi que l’avait dit le prince Yannès, le sauveur de Frédéric, véritables relais de surface, permettaient de recueillir ces malheureux. Un clan, préférant une vie demeurant plus près de la nature, assurait, ainsi la transition entre eux qu’on arrachait à quelque catastrophe, et ceux qui, dans le monde d’en bas, les accueillaient au sein de leur communauté.
Yannès régnait sur ce clan particulièrement sportif, dont les membres s’appelaient les Simples, eu égard à l’existence sans complications qui était la leur. Ils se souciaient peu de bénéficier de l’apport technico-industriel qui, dans la Cité, avait de loin dépassé le stade des gens de la surface. Frédéric avait, de ce fait, compris pourquoi ils étaient toujours si sainement bronzés, si experts en jeux nautiques.
De surcroît, les chefs des Simples, en dynastie, héritaient une connaissance exceptionnelle des mystères de la nature, apport d’études millénaires, qui leur donnaient connaissance d’un langage psycho-animal, et également de très hautes qualités télékinésiques.
Frédéric, voyait, sous les soleils bleus, au-delà des tours, des frontons, des minarets, des donjons, des buildings, de ce fatras de constructions hérissées d’antennes, de géants projecteurs, de puissants radars, une sorte de temple, ou de palais, très surélevé, adossé directement à la paroi rocheuse, et auquel on accédait par un escalier monumental, incroyablement vertigineux.
Là, régnait le Pouvoir Suprême. Qui ? On ne savait.
Un être humain, sans doute, représentant la Vie, la pérennité de la Cité. Frédéric, encore peu initié aux arcanes du monde des Réels, s’était entendu dire qu’il s’agissait du Sphinx, ou de son successeur, ce qui ne lui apprenait pas grand-chose.
Il savait seulement que la Cité était administrée par les représentants des Corporations, et que cette chambre, ainsi constituée, déléguait un cénacle de sages, lesquels seuls connaissaient la personnalité du Sphinx incarné, et étaient les véritables maîtres du monde souterrain.
Cependant, la vie était heureuse. On travaillait, on se divertissait, nul ne regrettait la surface. En fait, la très grande majorité des Réels était née dans les mondes souterrains. De temps à autre, ils allaient passer quelque temps de détente chez les Simples, puis retournaient à leurs occupations sub-terrestres.
Mœurs paisibles, amour du prochain, goût du travail… un joli programme, mais bien entendu tout ne pouvait être édénique, ainsi que l’avait dit Yannès au nouvel arrivant. Il y avait, comme toujours, les mécontents, les aigris, les révoltés de toute espèce. On les tolérait, on tentait de les réintégrer dans le sein de la Cité. Mais il y avait les irréductibles, les meneurs, et les faibles qui les suivaient.
Petit à petit s’était ainsi constitué un autre clan, celui des Négatifs, lesquels ne songeaient qu’à détruire, les uns comme de vulgaires pillards, les autres sur un plan infiniment plus dangereux, celui de l’intellect. Les Réels parlaient en effet une langue, qu’on écrivait en caractères inspirés du système hiéroglyphique. Les subversifs se glissaient ainsi dans la littérature, et aussi la radio et la télévision qui avaient été réalisées parallèlement aux inventions de surface.
Convaincus de félonie, ils étaient rejetés par la communauté et rejoignaient les hordes qui vivaient dans des galeries fort éloignées. Ce rebut naturel faisait souche, quoique de façon maladive. Beaucoup de Négatifs devenaient ces sortes de spectres qui avaient attaqué Frédéric, et parcouraient les incroyables labyrinthes souterrains sur des chevaux dont la race, comme toutes celles, animales, devenues cavernicoles, était hérédo-aveugle.
Mais ces forbans étaient relativement redoutés. Les pires demeuraient les autres, dont beaucoup demeuraient parmi les Réels, n’ayant pas encore été démasqués.
La loi était formelle. Nul ne devait retrouver la vie de surface. Très fréquemment, il y avait eu des révoltes, voire des évasions. On les avait sévèrement sanctionnées, au cours des siècles. Maintenant, un réseau d’yeux électriques interdisait les mouvements clandestins. Des réseaux d’ondes de force bloquaient les issues connues. Pratiquement, on n’avait accès au monde de surface que par les régions où régnaient les Simples, lesquels ne toléraient aucune fugue intempestive.
Frédéric pensait qu’il était là pour le restant de ses jours.
S’il n’avait guère d’affection pour les oncles et tante qui l’avaient hébergé, il songeait à ses parents, à ses copains… Il y avait eu aussi, parmi quelques flirts sans importance, une certaine Monique…
Mais il y avait Ondresya, à présent. Souvenirs sentimentaux ou sensuels s’effaçaient au profit de l’étrange personne, dont il ne pouvait oublier la chair qui lui avait été si généreusement montrée, avec ses cheveux blonds plaqués par l’eau, qui créaient en lui une image burinée, le pénétrant, l’obsédant avec acuité.
Yannès l’avait prévenu : Ondresya lui était inaccessible. Cependant, dans les curieuses circonstances pesant sur lui, cette passion avait un effet salutaire, et contrebalançait les regrets, le chagrin cuisant, qu’il aurait pu éprouver à l’idée de devoir renoncer pour toujours à retourner vers Paris, vers ce qui avait été son existence jusque-là.
— Tu veux venir avec moi voir la télé ?
Un petit bonhomme d’environ huit ans, au teint pâle des sub-terrestres, le prenait par la main. Frédéric essuya furtivement une larme de sa main libre :
— Non, Kédric… je… je reste là…
— Tu sais, il y a une belle émission sur le musée…
Le musée… Frédéric savait déjà de quel musée il s’agissait. Les Réels, fidèles depuis des siècles à leur éthique, se tenaient rigoureusement au courant de tout ce qui se passait en surface. Ils avaient ramené dans leur univers sombre de nombreuses épaves, des navires de tout genre, puis, depuis presque un siècle, d’autres engins : avions, sous-marins, hélicoptères. Ces vestiges leur étaient d’une très grande utilité, leur amenant ainsi au fur et à mesure les dernières inventions de leurs semblables d’en haut. La plupart de ces appareils dont ils se servaient n’avaient pas d’autre origine. Mais les techniciens Réels, acharnés au travail, s’étaient servis de ces modèles, avaient construit d’autres éléments, perfectionné bien des machines, si bien que la ville engloutie atteignait un très haut degré d’automation.
Un documentaire sur le musée… que de choses à apprendre ! Frédéric pouvait penser que cela lui serait utile, dans l’avenir. Mais, malgré tout, il ne parvenait pas encore à se convaincre du fait qu’il devait passer toute son existence dans les abysses géologiques.
Le petit Kédric, le fils de ses hôtes, parut chagriné. Il ne dit plus rien et disparut.
Frédéric demeura sur la terrasse de la maison cubique où Yannès l’avait conduit, le remettant au couple ami Moès-Yvana, après avoir averti les autorités.
Il regardait le lac, au centre de la ville.
C’était là qu’avait émergé la bulle engendrée par la puissance télékinésique de Yannès, puissance renforcée par l’apport psychique des douze nageurs et nageuses qui avaient participé à l’expédition, et étaient capables de tenir très longtemps sous l’eau.
Les autochtones avaient paru peu surpris. On semblait vénérer Yannès, rejeton d’une race quasi sacrée, et dont le pouvoir mental était respecté. Mais ce n’était pas la première fois que les Simples amenaient un naufragé, un rescapé du monde de surface, pour l’intégrer à la vie cavernicole et l’incident, déjà était oublié.
Frédéric n’avait pas envie de regarder cette télé locale – les postes, d’ailleurs, captaient également toutes les télés du globe – parce qu’il était triste, très triste.
Vis-à-vis des siens, il était un mort-vivant. Il y avait la consolation de songer à Ondresya…
Mais, jusqu’alors, Moès et Yvana avaient fait dévier la conversation, chaque fois que leur jeune hôte avait tenté d’évoquer cette sirène des gouffres.
Leur air gêné, leurs paroles évasives, intriguaient hautement Frédéric. Il se souvenait des avertissements de celui qu’il considérait comme un ami, Yannès.
Mais Yannès ne s’attardait que rarement, ainsi que les Simples, les siens, dans la cité souterraine. Il était donc retourné vers son domaine, plus proche de l’océan ensoleillé. Frédéric le regrettait. Il avait bien demandé timidement s’il lui serait accordé de prendre rang parmi les Simples, mais Yvana, puis Moès, s’en étaient quelque peu offensés. N’était-il pas bien reçu chez eux ?
Redoutant de les heurter, il ne disait plus rien. En fait, il avait parfaitement compris : de chez les Simples, on avait quelque vague chance de retourner au monde de surface.
Tandis que, chez les Réels…
Il n’avait pas tardé à constater, non sans surprise, que décidément la faculté de communication télépathique était commune à toute la race, à tous les clans. Jusqu’au petit Kédric lequel, lui parlant en langue sub-terrestre, parvenait à se faire aisément comprendre, par ce curieux fonctionnement vibratoire qui frappait le cerveau de Frédéric, lui éclairant mentalement le sens purement phonétique des mots perçus, mais non compris.
Justement, alertés par l’enfant, ils arrivaient, soucieux de leur responsabilité envers le nouvel hôte des Réels. Lui, Moès, devait avoir eu des ancêtres noirs. C’était un superbe athlète aux cheveux crépus, aux traits réguliers. Mais la pigmentation traditionnelle avait fondu au cours des générations et il était devenu infiniment plus clair. Quant à Yvana, dont le nom attestait de lointains parents slaves, avec son petit nez court et rieur, elle évoquait un joli chat aux yeux verts.
Ils s’enquirent des raisons de ce refus à Kédric et, comme toujours depuis l’arrivée du rescapé de la surface – c’était le terme général pour ceux qui pénétraient chez les Réels – ils se firent compréhensifs, apaisants…
Frédéric les écoutait, mélancolique, hochant poliment la tête à leurs propos suivant vaguement du regard les plates-formes volantes, dites vimz qui étaient un des modes de locomotion dans les gouffres, du moins dans les plus vastes cavernes, la progression terrestre s’effectuant par les ktins sortes de jeeps sur coussin d’air.
Moès et Yvana parlaient sans convaincre Frédéric lorsque, de nouveau, on entendit la sirène.
Un peu plus tôt, c’était simplement le signal de la sortie des ateliers, mais des appels réitérés, correspondant à certaines rumeurs montant dans l’immense caverne, les firent tressaillir et s’inquiéter.
Le petit Kédric les avait rejoints. Lui aussi cherchait à comprendre, avec cette gravité attentive des enfants.
Yvana montra, dans une des artères de la Cité des profondeurs, la vague caractéristique d’un mouvement de foule, des gens hurlant, brandissant des armes et des banderoles, jetant des projectiles, bousculant les passants, fonçant comme une harde forcenée :
— Les Négatifs… Une révolte !
Ils en avaient vu sans doute à plusieurs reprises, de ces manifestations de ratés de la population, acharnés à détruire, à salir, à tuer…
— Que va-t-il se passer ? demanda Frédéric, qui commençait tant bien que mal à bafouiller la langue sub-terrestre, dans laquelle il faisait tout de même assez de progrès, son cerveau se trouvant imprégné par les projections télé psychiques de ses interlocuteurs.
— Je pense, dit Moès, que les autorités vont envoyer des…
Il se tut et son mâle visage se crispa. Yvana prit le bras de son mari et le serra fortement. Le petit Kédric se rapprochait de ses parents.
Frédéric comprit. L’alerte était plus chaude qu’on ne pouvait le croire.
Les sirènes mugissaient sans arrêt, et sur un rythme bizarre, en alternance de traits longs et courts, ce qui devait correspondre à quelque code connu, car il semblait que toute la population souterraine fut en émoi.
— Là… là…, cria le petit Kédric.
Ils regardèrent tous. Ils virent alors que, du lac, des êtres sortaient.
A moitié nus, ils n’étaient guère beaux à voir, encore qu’on fut assez éloigné.
C’étaient de ces Négatifs des cavernes, ces barbares vers lesquels allaient petit à petit les déchets humains de la cité des Réels. Ils jaillissaient en groupes, se précipitaient à travers les rues de la ville, faisant diversion à la réaction des forces armées qui se mettaient en branle pour juguler la révolte.
Et puis on vit, sous les voûtes extraordinairement élevées, un véritable vol de vimz, montés par des gens qui, de toute évidence, ne nourrissaient pas des desseins humanitaires, et commençaient à jeter sur les édifices des Réels des objets globoïdes, lesquels éclataient comme des grenades, provoquant des dégâts et plus encore, une véritable panique, sans compter quelques incendies.
Quand des cavaliers en armure firent leur apparition, venant du fond de ces grottes fantastiquement profondes, des cavaliers dont l’aspect rappelait à Frédéric ses premiers contacts avec la population sub-terrestre, il ne fit pas de doute que les Négatifs, dans leur folie hystérique, braqués contre un monde dans lequel leur médiocrité ne leur permettait pas de s’intégrer, avaient préparé une opération de vaste envergure pour l’anéantir, quitte à s’anéantir eux-mêmes, avec ce côté suicidaire imbécile des nihilistes.
Yvana tremblait. Le petit Kédric, le nez fourré dans la robe de sa mère, pleurait, instinctivement terrorisé.
Moès murmura :
— Ce n’est rien… Ils seront bientôt neutralisés…
Et la chose se produisit.
Dans un fracas incroyablement répercuté aux échos sans fin de l’univers cavernicole, on vit littéralement exploser un des soleils bleus, un de ces satellites tournant autour du grand noyau central.
Ce fut le jaillissement fulgurant de flammes bleues, tellement éblouissantes que ceux du petit groupe, sur la terrasse, comme sans doute tous ceux qui se trouvaient dans la ville, en demeurèrent accablés pendant quelques secondes.
Ils s’étaient tous voilé la face, d’instinct, et se jetaient les uns contre les autres, incapables de supporter la brillance exceptionnelle de l’explosion. Des lueurs, couleur d’azur, éclatantes, étaient nées de la catastrophe, et, d’après le premier instant d’épouvante, Moès hurla :
— Un court-circuit ! Un bombardement nucléaire ! Ils ont saboté les soleils bleus. Ils ont lancé un électron contre le noyau…
C’était en effet, à cet échelon géant, ce qui venait de se produire, et les répercussions se poursuivaient, en un carambolage fantastique.
Les orbites gravito-magnétiques des globes irradiants se trouvant gravement perturbées, les divers astres artificiels constituant le ciel des Réels se heurtaient avec une violence inouïe.
Des étincelles, par myriades, naissaient de cette collision géante, la lumière tutélaire clignotait en intermittences folles, et plusieurs des satellites, totalement déséquilibrés, croulaient sur la ville, éclatant comme de véritables petites bombes atomiques.
En un instant, dans un incroyable tourbillon de flammes bleues, la Cité tout entière s’embrasa, et la rutilance du feu combattit les splendeurs tragiques de ces étincelles azurées mais mortelles.
Le vacarme, sous l’immensité des voûtes, prenait des proportions inouïes, et un certain nombre des engins volants, soit appartenant aux Réels, soit montés par les Négatifs qui avaient combiné leur attaque par terre, par air, par eau, et par la révolte citadine, tombèrent, s’abîmant dans les eaux du lac, ou crevant les toits des maisons, dont une grande partie brûlait déjà.
Certes, les autorités devaient se reprendre, car Frédéric apercevait de singuliers engins, sortes de tours mouvantes, entourées de bras d’acier multiples, et qui lançaient des fulgurances vertes et blanches. Quelque chose comme des chars de combat, qu’on jetait contre les Négatifs.
Mais le tout représentait un chaos total, une confusion épouvantable, tandis que le grand soleil central demeurait heureusement en place, mais que plusieurs de ses satellites explosaient, jetant de nouvelles gerbes de feu bleu sur la malheureuse Cité, où s’allumaient d’autres sinistres.
Moès prononça :
— La radio… La télé… Il faut savoir !
Ils cherchèrent à capter les émissions. Un instant après, dans le tumulte total, ils étaient fixés. Les Négatifs avaient si bien réussi leur coup que, déjà on pouvait considérer qu’ils étaient – du moins provisoirement –, maîtres de la situation.
— Moès ! Moès ! s’écria Yvana, terrorisée, qu’allons-nous faire ?
— Le ktin !… Il en est temps encore… Nous allons fuir… Vers les cultures !
Frédéric ne comprenait pas ce que cela voulait dire. Il était abasourdi.
Mais ce n’était pas le moment de poser des questions. Rapidement, il aida ses amis à glaner quelques affaires indispensables et, derrière eux, il courut vers l’engin sur coussin d’air, que Moès avait déjà mis en état de marche.
Un instant après, ils fonçaient sur les bords du lac où tombaient encore des vimz en détresse, dans une formidable pluie d’étincelles bleues, où tournoyaient des cadavres calcinés, comme une théorie d’anges de mort…